Quatrième de couverture
Au début du xviiie siècle, la Corse a vu éclore une révolution inédite pour l’Europe monarchique. Cet épisode de l’histoire, pourtant essentiel à la compréhension de la contagion révolutionnaire du Siècle des lumières, est souvent méconnu ou ignoré, d’autant qu’il garde de nombreuses zones d’ombre.
Attachés à mettre en valeur et à susciter les recherches sur les événements insulaires de cette période, les organisateurs de la table ronde annuelle publient dans cette nouvelle collection les actes, mais aussi les documents originaux qui s’y rattachent.
Préface
La Corse au Siècle des lumières
Le xviiie siècle est, de façon incontestée, le « grand siècle des Corses » : celui qui a vu naître Pascal Paoli, en 1725, et Napoléon Bonaparte, en 1769. Mais l’abondance justifiée de la littérature concernant ces deux personnalités hors du commun ne doit pas, ne serait-ce que pour mieux les comprendre, sous-estimer le mouvement général de la société, c’est-à-dire les quatre générations d’hommes et de femmes, qui ont traversé ce siècle, en Corse ou en relation avec la Corse.
Car ce siècle est en même temps, du point de vue européen, pour ne pas dire universel (c’est celui de l’indépendance des États-Unis d’Amérique), le Siècle des lumières. Et ces dernières éclairent l’histoire de l’île, avant même 1730. Il est peu fréquent dans l’histoire européenne d’observer la force du contraste entre l’obscurité dans laquelle la Corse est tenue depuis presque toujours et, en tout cas, depuis plus d’un siècle et demi, et l’intérêt souvent passionné qu’elle suscite, dès le début des années 1730 : jusque-là qui savait, en dehors de quelques marins, diplomates ou érudits, où se trouvait la Corse ? Qui vivait sur son sol et comment ? Ce qu’elle comportait en son sein ? Comme tous les historiens l’ont observé, les premières cartes de l’île ne se multiplient précisément qu’à partir du début des années 1730.
Il est vrai que la nation corse – au sens premier, les natifs de l’île, dans leur majorité – entame alors une guerre de 40 ans, pour s’affranchir de la « tyrannie génoise », et fait de cette succession d’insurrections, la première révolution des Lumières, mais en même temps la plus méconnue, selon le mot du regretté Fernand Ettori. Dès lors, les grandes puissances (l’Empire, l’Espagne, la France, l’Angleterre ou le Piémont) se disputent pour savoir à qui la Corse doit, ou le plus souvent, ne doit pas appartenir, en même temps que les plus grands esprits du temps (Diderot, Voltaire, Rousseau, évidemment en désaccord) s’interrogent et se disputent de leur côté sur le véritable laboratoire des idées nouvelles qu’offre l’île pendant 40 ans et au-delà. Du reste, aucune coïncidence entre ces deux types d’intérêt soudainement suscité par la Corse, mais une cause commune : c’est que les Corses, et notamment leurs théologiens réunis à Orezza en mars 1731, ont inventé tout à la fois le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et le concept moderne de nation !
Ceci explique pourquoi avec les éditions Albiana nous avons souhaité créer une collection dédiée à une connaissance plus complète et parfois inédite du xviiie siècle corse. Pour cela, nous avons choisi une double entrée : l’une, la présentation d’essais contemporains ou de documents plus anciens, parfois inédits, du moins en langue française ; l’autre, la publication des Actes des rencontres historiques d’Île-Rousse, qui, au mois de juin de chaque année, réunissent méthodiquement les meilleurs spécialistes français ou étrangers pour débattre de chacune des phases de cette histoire révolutionnaire, à commencer par la trop méconnue période pré-paoline.
Dominique Taddei
Directeur de la collection
Table des matières
La parenté du Baron Théodore de Neuhoff – Michel Vergé-Franceschi, professeur des universités (Université F. Rabelais, Tours)
Le roi Théodore et la Balagne – Antoine-Laurent Serpentini
Théodore de Neuhoff vu par les ambassadeurs – Antoine-Marie Graziani
Un temps où l’on distribuait les couronnes en Europe – Lucien Bély (Université Paris-Sorbonne)
L’invariant de la politique corse dans le Disinganno intorno alla guerra di Corsica et d’autres documents – Évelyne Luciani
La politique génoise et la Corse – Carlo Bitossi (Université de Ferrare)
Les premières négociations entre Français et Corses (1738) – Dominique Taddei
Les vêpres corses de 1738 – Th. Giappiconi
La Corse au temps de Maillebois (1739-1741) – F. Pomponi