Quatrième de couverture
Comment Napoléon Bonaparte s’est-il situé par rapport aux attitudes de pensée de son temps? Sa vision du monde relève-t-elle du spiritualisme ou des courants matérialistes ? Comment comprend-il l’histoire des sociétés et tout particulièrement ce qu’il appelle les « révolutions sociales » ? Quels sont les traits singuliers, les impasses, les constructions conscientes et inconscientes qui apparaissent dans ses réflexions sur le sens et la place de son existence de 1789 à 1815, en ce « quart de siècle équivalent à plusieurs siècles » (Chateaubriand) ?
L’auteur met ici en œuvre une approche encore rare dans les études sur Napoléon : celle de l’écoute, de l’analyse attentive, de la compréhension des textes mais aussi des paroles de l’Empereur, notamment à Sainte-Hélène, y compris celles qui ont pu paraître marginales ou secondaires.
Extrait
« L’échec de cette démarche s’enracine pour l’Empereur dans les processus qui précédent d’assez loin le 9 Thermidor lui-même. Napoléon souligne, on l’a vu, la gravité et la portée cruciale des conflits au sein même des forces révolutionnaires montagnardes et des antagonismes aigus qui en résultent : les conflits entre militants de la Commune de Paris et les hébertistes d’un côté, et de l’autre les dantonistes et robespierristes ; les conflits entre Robespierre et les orientations des dantonistes ; les conflits par ailleurs de l’Incorruptible avec l’aile représentée par Collot d’Herbois et Billaud Varenne. Le recours de la lutte frontale à l’élimination brutale comme mode de solution des divergences politiques avec les autres courants et les autres forces révolutionnaires montagnardes représente pour l’Empereur une grave erreur stratégique et tactique de Robespierre. L’Incorruptible aurait dû selon lui tout faire pour résoudre par la conviction et la discussion ces divergences et pour tenir rassemblées ces forces et ces courants dont l’union était à la base même de l’existence et de l’efficacité du gouvernement révolutionnaire. Le « troisième âge » de la Convention (c’est-à-dire la période qui va de février à juillet 1794) présente, note l’Empereur en 1816, « un spectacle différent des deux premiers : Danton, Robespierre avaient sans efforts arrêté la Révolution et terminé le pouvoir de la Commune de Paris ; mais ils se divisèrent sur le succès » (p. 184-185 : la figure de Robespierre).
Table des matières
Introduction
Première partie
Chapitre I : « Matière, vie et statut de la pensée »
1- La vie et l’organisation de la matière : Anticléricalisme politique et laïcité de l’État ; Un athéisme affirmé ; « Tout n’est que matière plus ou moins organisée » ; La matière vivante et son mouvement.
2- Une démarche critique envers la réduction des complexités de la nature : Fluides, éther, électricité ; La distinction entre le « merveilleux » et les « merveilles » de la nature.
Chapitre II : « Histoire, nature et spécificité des comportements humains »
1- La place de la connaissance historique dans la formation de la pensée de Napoléon.
2- Connaissance et expériences historiques et spécificité des réflexions matérialistes de Sainte-Hélène : Lectures historiques et participation à la transformation historique des années 1780 à 1815 ; « L’histoire voilà l’ennemi de la religion… »
3- Un rationalisme qui refuse le matérialisme phrénologique : L’organisation des familles ne dérive pas du droit naturel ; La critique de Gall ; Le penchant au vol ne dépend pas du cerveau mais de l’existence des sociétés connaissant la propriété ; Newton, Bonaparte et l’avenir de la connaissance.
Deuxième partie
Chapitre III : « Comment écrire et comprendre l’histoire des sociétés ? »
1- « Mon plaisir serait d’écrire l’histoire » : Historiens, intérêts des privilégiés et documents du passé ; « Il faut observer et ne pas commenter ».
2- Comment comprendre le cours de l’histoire ? : Observation des « révolutions religieuses » du passé et méditation sur l’histoire contemporaine ; Les terrains de la formation du Christianisme et de la connaissance de l’Islam ; L’expérience d’acteur et de spectateur de l’histoire contemporaine ; Les « circonstances », la « force des choses ».
3- Les « crises », les « révolutions » et les « masses » dans l’histoire : Mouvement des Lumières, conditions concrètes d’existence et structures politiques ; Éruptions volcaniques et explosions révolutionnaires ; Est-ce les transformations des besoins sociaux de nature religieuse qui font surgir les prophètes ? ; « J’ai toujours marché avec l’opinion des grandes masses ».
Chapitre IV : « Raisons et portée de la Révolution française dans l’histoire »
1- Les racines de la Révolution française : Le « ferment industriel » et la « "guerre des champs contre les comptoirs » ; Qu’est-ce que « la classe moyenne »" ? ; Classe paisible et industrieuse, classes indigentes et laborieuses ; Une représentation contradictoire et originale des rapports entre bourgeoisie, classes populaires, nation et combat contre l’Ancien Régime ; Un mouvement général de la masse de la Nation contre les privilèges ; Intérêts de la Révolution et théories de la Révolution.
2- Révolution et contre-révolution : Une contradiction essentielle et mouvante : Les raisons essentielles des guerres en Europe de 1792 à 1815 : « La lutte du passé et de l’avenir. »
3- La portée de la Révolution française et l’histoire humaine : Tous ces changements étaient conformes au bien de la nation, à ses droits, à la justice, aux lumières du siècle ; « Les plus sales fumiers provoquent la plus noble végétation » ; « Ce sera comme un livre dont on ôtera le signet en reprenant la lecture ».
Troisième partie
Chapitre V : La figure de Robespierre et les paroles de Napoléon Bonaparte
1- Désarroi, silence et confidences : Les perspectives du printemps ; Les ordres et les niveaux d’une rupture ; Silences et confidences après Thermidor.
2- Le dîner d’Ancône : Robespierre, miroir de Bonaparte ? : Faits réels et insensibles distorsions ; Référent romain et références à Robespierre ; Une évocation de Robespierre où se cristallisent les rêves de Bonaparte.
3- Comprendre Robespierre, une attitude exceptionnelle entre 1815 et 1820 : Silence, distance et admiration du Consulat à 1815 ; Les paroles de l’exilé sur Robespierre, un défi alors rare ; La chute de Robespierre et l’analyse des contradictions de la Montagne ; La recherche d’une réponse aux impasses et angoisses, une autre signification des paroles de Sainte-Hélène sur Robespierre.
Chapitre VI : La transformation de l’outillage conceptuel des Lumières dans les paroles de Sainte-Hélène
1- Rousseau, Buffon, Guizot et Tocqueville : Transformations sociales, Révolution et ferment industriel
2- Comment penser avec rigueur raisonnée les rapports entre les nécessités des "circonstances", le rôle des individus et celui du hasard ? : "N’agir que sur les masses et par les masses" ? ; Les aléas d’une vie, le briquet et la matière inflammable ; « J’ai toujours aimé apprécier les hasards qui se mêlent à certains événements ».
3- Un déterminisme probabiliste ? : « Les choses ne se ressemblent jamais » ; Comment « opérer le partage de la science et du hasard ? »
Quatrième partie : Mouvement historique et singularité personnelle dans les paroles de Sainte-Hélène
Chapitre VII : Empereur ou dictateur ?
1- Qui suis-je comme Empereur ? : Une « dictature accidentelle » comme à Rome lorsqu’il fallait un dictateur pour sauver la République ? ; « Roi des nobles » et « roi du peuple » ? ; « Un médiateur naturel » dans « "l’immense lutte entre le présent et l’avenir » ? ; Maintien et mises en question du projet dynastique dans les paroles de Sainte-Hélène ; « Parce que je me suis élevé de la canaille au plus haut sommet du pouvoir… parce que je n’étais pas des leurs ils ont pris le parti de m’opprimer et humilier… »
2- Remémoration et résurgences rénovées des référents héroïco-civiques dans les conversations de l’exil : Tournures, expressions et réminiscences du style républicain ; La rude expérience commencée en 1815 et le retour progressif du lieutenant Bonaparte, l’ami des Lumières, l’ami d’Augustin Robespierre ? ; « J’ai presque pleuré en lisant » ; La mauvaise foi prend son sens freudien.
Chapitre VIII : L’empereur insurgé et ses insurmontables impasses
1- Des pôles de références inséparables et contradictoires : « J’avais en moi l’instinct d’une issue malheureuse ».
2- « J’ai trop compté avec le gain de la bataille de Waterloo » : Un comportement étrange de chef de guerre le 17 juin ? ; Un croissant sentiment d’angoisse et d’impasse ; La place des « partis à prendre après Waterloo » dans les conversations d’exil ; « Au retour de l’île d’Elbe j’ai commis plusieurs fautes »
3- Aurais-je dû mourir ? : Incertitudes et « mélancolie » ; Le suicide est-il une lâcheté ? ; « Il faut laisser le champ libre à l’imagination… J’aurais dû mourir au Kremlin… » ; « Pas une balle pour moi »."
Conclusion : Un chantier largement ouvert
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