4e de couverture
L’histoire de la littérature de la Corse (« corse », « de Corse » et « sur la Corse ») est intimement liée à la question des langues pratiquées dans l’île – corse, italienne et française – au cours des deux derniers siècles et des rapports entre elles. Elle se décline aussi au rythme de phases et de conflits qui épousent les méandres des rapports sociaux et politiques particuliers à l’île. Tout en manifestant des processus de genèse et de développement singuliers, elle demeure naturellement un objet d’analyse comparable à d’autres littératures.
L’émergence à la fin du XIXe siècle d’une littérature spécifique « d’expression corse », hissant définitivement le dialecte d’hier au rang de langue d’écriture, constitue sans aucun doute le défi le plus neuf et littérairement le plus novateur au sein de ce domaine complexe.
Plusieurs étapes de son développement peuvent être décrites, successivement : u Pre Riacquistu, u Mantenimentu, u Riacquistu, u Novanta, a Divizia. Si les intentions, les inspirations ou les formes divergent volontiers au gré des périodes, l’ensemble de ces moments structurants contribue à révéler plusieurs dizaines d’auteurs, souvent très talentueux, actant non seulement l’existence de cette littérature mais témoignant aussi d’une richesse indéniable.
Cette richesse reste pourtant largement méconnue, pour ne pas dire méprisée dans certains cas, et le destin de la littérature de langue corse demeure incertain, malgré l’énergie consacrée par les auteurs et sa lente « institutionnalisation » (chez les lecteurs, chez les libraires, par les associations, par les prix littéraires, à l’école, auprès des structures publiques, etc.).
Elle n’en mérite pas moins d’être étudiée et comprise pour ce qu’elle est : une littérature originale, foisonnante, valeureuse et fragile, miroir d’une société en perpétuel mouvement et par là même en quête de sens.
Le présent travail peut être lu à ce titre comme un manuel d’histoire de la littérature d’expression corse, une initiation à la diversité littéraire ou, plus simplement encore, une invitation au plaisir et à la découverte…
Table des matières
Introduction
Première partie : L’affirmation d’une littérature écrite
1. La littérarisation du dialecte
De la « poesia giocosa » aux « cum(m)ediole » : le choix des genres mineurs
Phase romantique : récupération écrite du patrimoine oral (recueils) et créations « populistes » (« littérature de l’almanach »)
2. L’ouverture du champ littéraire corse : le « Pre Riacquistu » (1896-1945)
Entre politisation et élaboration littéraire
La « littérature des revues »
Au souffle de A Tramuntana
Un « nationalisme » politique, linguistique et littéraire : A Cispra
A Muvra, L’Annu Corsu : du printemps littéraire à l’impasse idéologique
Au coeur du « Pre Riacquistu »
Quelques figures clé : Lucciardi, Maistrale, Carlotti
La « littérature de l’Abandon »
L’éclosion d’un modernisme littéraire
Les poètes d’Italie
L’apparition du roman corse
3. Un conservatisme ethnographique : le « Mantenimentu » (1945-1970 environ)
Face à la « conspiration du silence » : U Muntese
Les prosateurs de l’après-guerre
Un regard distancié : Natale Rocchiccioli
4. Le réveil de l’identité culturelle : le « Riacquistu » (1970-1990 environ)
Du sursaut politique à l’action culturelle multiforme
L’éclosion du nationalisme corse
Renouveau culturel et enseignement
L’achèvement de l’élaboration linguistique
Entre engagement et nécessaire modernisation : le renouveau de la littérature d’expression corse
Rigiru, clé de voûte de la renaissance
Intornu à l’essezza, l’ultime effort de théorisation
La floraison poétique
Le renouveau du théâtre : du militantisme à la recherche créative
Le retour du roman corse
L’essor de la prose courte
Deuxième partie : de la réaction à la création : « l’oghje »
1. Le « novanta », entre confirmation et rupture
La nouvelle comme porte d’entrée au roman ?
L’étoffement de la palette romanesque
Une nouvelle donne poétique et théâtrale ?
2. Des années deux-mille à nos jours : « a divizia »
« Prosa à voline più ! »
Le surpassement du « Riacquistu » : l’école littéraire du « Disincantu »
Élargissement et modernisation du corpus de prose courte
Œuvres constituées et nouveaux auteurs : l’avènement du roman corse moderne
Survivance et diversification d’une école traditionaliste
Un théâtre entre mémoire revisitée et subversion
Le Je poétique corse
Conclusion
Bibliographie
Annexes
1. Guglielmu Guglielmi, le tout premier
2. Le dialecte comme vecteur symbolique d’identité
3. Le premier texte corse imprimé : « U serinatu di Scappinu »
4. Un modèle de l’Abandon : le « Lamentu di u castagnu à u Corsu »
5. Un manifeste politique, linguistique et littéraire : « A Cispra »
6. Du Lieu à l’Être : « A canzona di u cuccu »
7. L’exil des forces vives : « Ghjuvan Petru si ne và ! »
8. L’éloge du retour au pays : « Calescia o galera ! »
9. Un thème muvriste emblématique : l’exode rural
10. Giovoni, poète de la nature et des sentiments
11. Un sonnet malicieux : « Piazza San Niculà »
12. La mort allégorique : « A lumera »
13. « Ci-gît le passé d’une race »
14. Pépé, l’(anti)héros picaresque
15. Ricordi ou l’idéalisation du temps jadis
16. De la diglossie au plurilinguisme : Filidatu è Filimonda
17. La confection du pain (extrait ethnolittéraire)
18. Lieux communs ethnographiques et poésie des mots : « A casa »
19. Un « Mantenimentu » enjoué : Natale Rocchiccioli (1)
20. Un « Mantenimentu » enjoué : Natale Rocchiccioli (2)
21. L’« inghjennatura » (1) : « U rigiru »
22. L’« inghjennatura » (2) : « Frateddu è vaghjimu in Corsica »
23. Le lieu magnifié : « Sognu »
24. Jacques Thiers, poète iconoclaste
25. Le délitement du lieu corse traditionnel
26. Rire et moralisme : A signora (R. Coti)
27. Des techniques d’écriture novatrices
28. La reformulation fantastique du fonds magico-religieux
29. Paul Desanti, de la littérature politique à la littérature d’imagination
30. Identité en souffrance et crise psychologique
31. Maria Divota et la subjectivité du discours
32. La recréation prodigieuse d’un corse médiéval : L’acelli di u Sarriseiu
33. Lucia Santucci, l’identité humaniste
34. Par-delà les frontières
35. Marcu Biancarelli, la démythification radicale
36. Un néo-réalisme corse
37. De la crise du Nous à la crise du Je : Chì ùn sia fattu di guai
38. La fin d’un monde
39. Les conséquences de la « fola » d’identité
40. Historique des œuvres littéraires intégrées à notre corpus
L’auteur
Ange Pomonti est professeur agrégé de Langue et Culture corses dans le second degré. Le présent ouvrage est issu d’une thèse de doctorat soutenue en novembre 2018 à l’université de Corse.