Dans l’historiographie insulaire, quelques livres seulement balisent le champ de la Religion. Certains le font à travers l’étude de l’édification et le maillage des lieux de cultes et des paroisses, parfois concentrés les biographies des prêtres, des saints, des évêques ; d’autres ont cherché à percer la religiosité des Corses son expression souvent particulière, d’autres encore ont compilé des archives et des éléments indispensables à la compréhension de tel ou tel événement ou période. Aucun n’avait jusqu’alors abordé sous forme de synthèse détaillée, nourrie par les archives, la question de la place de l’Église au cœur de la société au cours du siècle des Révolutions (du XVIIe au XVIIIe siècle).
En historien rompu aux recherches amples et approfondies, Ange Rovere travaille depuis des décennies sur cette période-clé de l’histoire de la Corse. Il a été précurseur dans la recherche sur la société de l’époque, ses structures et ses mouvements qui ne peuvent se comprendre autrement que grâce à un travail en profondeur, au cœur des archives et en comparant l’ici et l’ailleurs si proche, de la péninsule italienne aux provinces françaises.
Ce travail de fondation éclaire aujourd’hui d’une lumière nouvelle un pilier fondamental de la société corse et de son histoire. L’Église, son organisation mais aussi ses liens étroits avec une communauté adhérente est une des clés essentielle pour comprendre les révolutions – les prêtres y participent souvent activement –, la religiosité – les Corses défendent âprement leurs prêtres, les rites et les coutumes -, le fonctionnement sociétal – les prêtres seront longtemps parmi les premiers personnages des villes et des villages.
4e de couverture
Les XVIIe et XVIIIe siècles européens, qui virent l’éclosion des Lumières, sont aussi ceux des tempêtes révolutionnaires. Balloté par les vagues incessantes des chambardements intellectuels, philosophiques et scientifiques, le Vieux Continent affronte une remise en question de ses fondements politiques ou sociaux les mieux ancrés, ébranlant jusqu’à ses modes de vies les plus anciens.
La religion n’échappe pas à la règle du moment : la théologie est réinterrogée, le clergé se questionne, se repositionne en fonction des vicissitudes politiques, et les fidèles demandent des comptes.
La Corse, premier épicentre des révolutions européennes, est l’un de ces lieux privilégiés où l’on peut observer sur un temps très long comment la religion, ses clercs et ses fidèles répondent aux grands bouleversements politico-religieux de l’époque (impact de la Réforme catholique depuis le concile de Trente, Cunsulta d’Orezza, question du Gallicanisme, constitution civile du clergé sous la Révolution, etc.).
Parce que « le prêtre est, avec le moine, le personnage central des campagnes corses », l’analyse de leurs paroles et de leurs actes, dans et hors les lieux sacrés, est le meilleur outil pour mesurer l’évolution de la société au regard des remises en questions – et des résistances qu’elles suscitent. Pour les mêmes raisons, l’étude de la religiosité dans une île qui « baigne dans un besoin de sacré », nécessitait-elle de « descendre au niveau de la paroisse ».
La présente recherche conduit ainsi le lecteur au cœur même de la société insulaire révélée par les archives. Tandis que l’analyse minutieuse développée par l’historien met en évidence toute la puissance de l’Église de Corse faisant face aux bourrasques révolutionnaires.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
CHAPITRE PREMIER : RÉFORME OU IMMOBILISME ?
L’ORGANISATION DE L’ÉGLISE CORSE
-LES STRUCTURES DIOCÉSAINES
-LES CINQ DIOCÈSES
-PIEVE ET PAROISSES
-LE RÉSEAU DES COUVENTS
-LES FRANCISCAINS
-LES AUTRES ORDRES RELIGIEUX
-LA GÉOGRAPHIE CONVENTUELLE
LE GOUVERNEMENT DES DIOCÈSES
-DES PERSONNALITÉS TRES CONTRASTÉES
-LE DIOCÈSE DE MARIANA
-LE DIOCÈSE D’ALERIA
-LE DIOCÈSE DU NEBBIO
-LE DIOCÈSE D’AJACCIO
-LE DIOCÈSE DE SAGONE
-L’ÉVÊQUE UN ADMINISTRATEUR ?
-RECONSTITUER LES REVENUS DE L’ÉGLISE
-ADMINISTRER LES PAROISSES
CURÉS ET PRÊTRES : UN MONDE IMMOBILE ?
-ÊTRE PRÊTRE EN SON ÉTAT
-LE PRÊTRE EN RÉSIDENCE ?
-LE PRÊTRE EN SON HABIT
-LE PRÊTRE DANS SA CURA ANIMARUM
-UN CLERGE IGNORANT ?
-LA QUESTION DES ARMES
CHAPITRE DEUXIÈME : DANS LA « RIVOLUZIONE DI CORSICA »
FRACTURES DANS L’ÉGLISE
-AU SERVICE DE L’ORDRE
-LE CLERGÉ REBELLE
L’ÉGLISE DANS L’ÉTAT PAOLIEN
-LA CLÉRICALISATION DE L’ÉTAT
-LA PRISE DE CONTRÔLE
-LE VISITEUR APOSTOLIQUE
UNE ÉGLISE EN RUINES
-RUINES MATERIELLES
-L’EFFONDREMENT DE LA DISCIPLINE
-OÙ EST LE PRËTRE ?
CHAPITRE TROISIÈME : FACE A L'OFFENSIVE GALLICANE
POUR UNE ÉGLISE DE FRANCE
-L’ARSENAL RÉGLEMENTAIRE
-LES ACTEURS DE L'OFFENSIVE GALLICANE
-LES ÉVÊQUES
-LE CONSEIL SUPERIEUR
-LES ÉTATS DE CORSE
LA GALLICANISATION EN ÉCHEC
-LES ÉTATS : UNE TRIBUNE POUR LES ULTRAMONTAINS
-UN « ASSERVISSEMENT » CONTRAIRE A SA MAJESTE
-VICTOIRES ROMAINES
-L’IMPOSSIBLE MÉTROPOLISATION
-ÉCHEC A LA JUSTICE DU ROI : L’AFFAIRE DU CURÉ DE BARRETTALI
DES CLERCS AUX « MAXIMES OPPOSÉES AUX NOTRES »
-ÉCHEC DE « L'INSTRUCTION PUBLIQUE »
-LES CHEMINS DE L’ITALIE
-EN CORSE, LA TRADITION
CHAPITRE QUATRIÈME : UNE SOCIETÉ CLERICALISÉE ?
« L’ÎLE FOURMILLE DE PRÊTRES ET DE MOINES »
-LES COUVENTS : UNE ATTRACTIVITÉ SOUTENUE
- « LA PRÊTRISE TIENT DONC LIEU DE RESSOURCES »
-COMBIEN DE PRËTRES
-DE QUOI VIVENT-LS
ETRE PRÊTRE AU VILLAGE
-LE PRÊTRE, UN HOMME PARMI LES HOMMES ?
-UN PASTEUR COMPLICE DE SES OUAILLES
LE PRÊTRE, SON PEUPLE, LA RELIGION
-L’HOMME DU SACRÉ
-LE BESOIN DE PRÊTRE
LE BESOIN D’UN ORDRE DIVIN
-UN RÉVÉLATEUR, LES MISSIONS
-LA PIÉTÉ EN EXERCICE
-LA VITALITÉ DES CONFRERIES
CHAPITRE CINQUIÈME : 1791-1793 LE SCHISME RELIGIEUX
LES CAHIERS DE DOLÉANCES : DES VOIES OUVERTES
L’ÉGLISE DANS LE MOUVEMENT
-SOUS LE SIGNE DU TE DEUM
-L’ENGAGEMENT DES CLERCS
-AU DELA DES APPARENCES
LA FRACTURE
-ASSERMENTÉS ET RÉFRACTAIRES
-L’ÉLABORATION DE LA POLITIQUE RELIGIEUSE
-UN POINT SUR LA MÉTHODE
-JUREURS ET NON JUREURS
-PAR DELA LES CHIFFRES
CHAPITRE SIXIÈME : DE LA « GUERRE DU SERMENT » A LA RÉVOLTE
LE TRAUMATISME RELIGIEUX
L’ÉLECTION DE L’ÉVÊQUE CONSTITUTIONNEL
BASTIA, JUIN, L’ÉMEUTE DES ROGATIONS
-TROIS JOURS DE TUMULTE
-SOUS LE SIGNE DE LA CONTRE-RÉVOLUTION
RÉVOLTE ET RELIGION
-« IL BOLLENTE FURORE DEL MIO POPOLO »
-GUERRE AUX ASSERMENTÉS
-L’ACTIVISME DES REGULIERS
-LA DÉFENSE DU SACRÉ
AVRIL 1792 : PÂQUES SANGLANTES A AJACCIO
-PRÊTRES ET MOINES AJACCIENS DEVANT LA CONSTITUTION
-« AN IV DE L’ANARCHIE »
CHAPITRE SEPTIÈME : CRISE RELIGIEUSE ET SÉCESSION ?
COLÈRES PAYSANNES
-CONJONCTURE ET FISCALITÉ
-LA QUESTION DE LA TERRE
COMMUNAUTÉ RURALE ET IDENTITÉ PAROISSIALE
-VITALITÉ DE LA PAROISSE
-LA CONSTITUTION CIVILE CONTRE LA COMMUNAUTÉ
RELIGION ET COMMUNAUTÉ EN RÉSISTANCE
LE DÉPARTEMENT FACE AUX RÉVOLTES
LA SÉCESSION, UN RETOUR VERS LE PASSÉ
CHAPITRE HUITIÈME : L’ÉGLISE ENTRE RÉSISTANCE ET INTÉGRATION
UNE RESTAURATION AVORTÉE
-«LAISSONS LES CHOSES SE STABILISER »
-RENIEMENTS, TOLÉRANCE ET ANTICIPATIONS
-LA RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE
-L’IMPOSSIBLE COMPROMIS
LE DIRECTOIRE ENTRE « MODÉRANTISME » ET « TERREUR »
-«MODÉRANTISME » OU INTRANSIGEANCE ?
-PERMANENCE DE LA TRADITION
LES HOMMES DE LA CONTRE-REVOLUTION
-LES ÉVÉNEMENTS
-UNE AFFAIRE DE RÉSEAUX
-DES NOSTALGIQUES DE L’ANCIEN REGIME
-AGOSTINO GIAFFERI OU LA RECHERCHE D’ALLIANCES
LES DISCOURS DE LA CONTRE-RÉVOLUTION
-« POUR DIEU ET LA RELIGION DE NOS PÈRES »
-« POUR LA PATRIE ET LA RELIGION »
-LES«JUSTES LOIS DE L’AUGUSTE REPUBLIQUE FRANÇAISE »
LE SERMENT DE FRUCTIDOR : L’APAISEMENT RELIGIEUX ?
CONCLUSION
L'auteur
Ange Rovere est historien, professeur agrégé d’histoire et membre du CTHS (Comité des travaux historiques et scientifiques). Il a publié de nombreux articles et ouvrages consacrés à l’histoire moderne et contemporaine de son île.
Il a longtemps par ailleurs dirigé la revue Études corses.
LA PRESSE EN PARLE
Article paru dans le Corse-Matin le 5 mai 2021
Ange Rovere était l'invité de l'émission Da leghje e da scopre sur RCF Corsica :