Introduction
Longtemps, nous y avons songé. Un numéro de la revue Études corses consacré à l’Île en tant que sujet d’inspiration littéraire. Voilà qui – dans une production pour le moins féconde et variée – est désormais effectif. L’exigence première qui a orienté notre démarche a consisté à circonscrire avec précision le champ de cette approche. De fait, il nous a fallu limiter, choisir et trancher. Loin de vouloir exclure quelque forme d’expression que ce soit, nous avons centré notre étude autour d’une littérature (essentiellement) francophone. Le sujet est bien trop vaste pour embrasser l’ensemble des publications et convoquer, en un seul volume, les langues qui, dans leur diversité, en ont rajeuni les contours. La langue corse à elle seule n’offre-t-elle point l’argument et la matière d’un numéro spécifique sur lequel les exégètes ne manqueront pas tôt ou tard de se pencher ?
La Corse, il est vrai, s’est offert très tôt une incursion dans la littérature. À moins que ce ne soit l’inverse… Quoi qu’il en soit, dès l’Antiquité, quitte à se regarder en chien de faïence, toutes deux n’étaient pas étrangères. Et, imprimant durablement les esprits, les siècles lui ont généreusement emboîté le pas pour épancher parfois, il est vrai, une imagerie caricaturale et pesante avec laquelle les jeunes générations issues du Riacquistu entreront en dissidence définitive.
De fait, en une dizaine d’articles, on ne peut décemment aspirer à l’exhaustivité. Pour cerner les contours d’une littérature en mouvement, nous avons pris le parti de laisser la part belle à la jeunesse qui, en un foisonnement singulier, réapprend les regards et revisite les rivages. Ainsi, en un espace restreint et singulier, les premiers romans côtoient les autofictions, le polar cousine avec les aventures théâtrales d’Olmi-Cappella, les variations sur auteur coudoient les confrontations littéraire et cinématographique. Autant d’instantanés qui figent l’instant présent et composent le kaléidoscope littéraire d’une île délibérément tournée vers la modernité. Ce même kaléidoscope qui, à l’instar de François Nourissier nous autorise à penser qu’il existe bel et bien « une littérature corse » et que, par la convergence miraculeuse des photographies, le cliché n’aura pas son dernier mot.
Joseph Dalbera et Pascal Marchetti-Leca, coordinateurs
Sommaire
Littératures pour une île
• Introduction – J. Dalbera – P. Marchetti-Leca
• Granite Island revisitée. Essai sur Dorothy Carrington – F. Beretti
• « La Corse qui n’existe plus » et « la fureur du désespoir » selon Marie Susini – S. Sanguinetti
• Temporalités et altérités insulaires dans Murtoriu. Ballade des Innocents de Marcu Biancarelli » – F. Laignier-Colonna
• Le regard de la jeunesse : des figures littéraires marginales ?Da Parighi sin’à tè de Ph. Santoni et Marche ou rêve de F. Laignier-Colonna – P. Fabiani
• Le théâtre corse : l’Aria, un incubateur de créations – M.-L. Cau
• Certains l’aiment froide : la fiction policière corse... entre stéréotypes et re-création – Za Casta
• Soit on fait la guerre, soit on écrit l’Iliade : regard sur les cinq premiers livres de Gilles Zerlini – F.-X. Renucci
• Quelques aspects de la phrase dans la trilogie de Jérôme Ferrari – E. Su
• Le présent photographique de Jérôme Ferrari dans À son image – C. Narjoux
• Un film de Thierry de Peretti à l’image du livre de Jérôme Ferrari – A. Peigné-Giuly – Th. De Peretti